« Arrête de sourire ! ». Je l’ai souvent entendu. Un reproche, un agacement, plus c’est compliqué, plus la grimace s’installe. L’épreuve, la douleur, le quotidien ou la gravité… je souris. Trop, mal, ironique ou poli, j’affiche mes dents comme on dresse un barrage. C’est une arme de dissuasion, c’est aussi mon refuge, ma maison.
Lunette de soleil, musique des mots, je crois qu’en écrivant, je souris également…

Je ne suis pas maitre de la direction. Gabriel a pris le pouvoir. Je suis le passager de mon histoire, le voyageur clandestin de mes romans. De Miami, Gabriel se fracasse à Marrakech. Je suis bien obligé de l’accompagner. Ce n’est que le début, Gabriel est un garçon qui voyage. Ça tombe bien, moi aussi. Chaque matin, le même geste, presque un rituel. Je chausse mes lunettes de soleil et déambule dans une ville inconnue. Une terrasse me lance un clin d’œil et je m’installe. Le soleil est fort, il brule. Derrière mes lunettes, le monde prend une teinte sépia.
La rumeur de la ville disparait. J’écris…

Ecrire, c’est composer. Les mots sont des sons, les phrases deviennent mélodies. Il y a l’histoire, il y a les personnages, mais c’est la musique qui prend le pouvoir. Chaque paragraphe devient chanson. Rythme, tempo, mes doigts sont des instruments au service d’une poésie très intimes. A tel point qu’au fil de mon odyssée, une chanteuse surgit. Aucun calcul, écrire, c’est lâcher prise.
Les émotions circulent, vagabondent et la musique devient chanson…

Rouler à contre sens, seul, c’est assez enivrant. Bien sûr, la nature est ainsi faite qu’à force d’accélérer là où les autres ralentissent, l’accident est inévitable. Mais l’accident, c’est une preuve par l’absurde qu’on existe. Un crash boursier me fait trébucher. De banquier, je me transforme en baleinier. Ma Moby Dick est grasse et dodue. Ce Brésilien veut créer sa propre banque. Il veut me confier les clefs de son rêve d’enfant. Mon harpon est prêt. D’ici quelques jours, je serai le gérant de sa fortune, mes initiales sur le fronton du bâtiment. Mais ma baleine meurt d’une crise cardiaque.
C’est con d’être si riche et de mourir d’un pincement au cœur !

Cet oiseau est dans mon imaginaire. Il vole depuis mon enfance. Symbole de liberté, ce piaf meurt en captivité. Dans la folie qui a guidé mes pas, son vol m’a toujours accompagné. Je le sais maintenant. Lorsque je me retourne sur mon passé, que je vois l’ascension, puis le mur contre lequel je me suis écrasé, il est présent à chaque instant. Ma légèreté, mon inconscience, c’est un virus que j’ai attrapé, il y a très longtemps. Le quetzal était là, dans la salle des marchés. Il n’avait rien à faire là, moi non plus, d’ailleurs. Depuis que j’écris, il vole plus librement.
Lui aussi a trouvé sa place. Lui aussi a trouvé un sens…

Elle m’accompagne depuis que me suis installé au fond de la salle des marchés. Dans mon petit royaume, elle rebondit joyeusement sur le mur, sur un écran ou sur la tête de mon voisin qui jure dans une langue exotique. La tension est permanente ici, elle m’encercle, m’enveloppe, mais elle ne m’atteint pas. J’achète, je vends, Wall Street est mon magasin virtuel. Les autres compriment la balle, la presse et la compresse à l’infini. Alors qu’elle n’est qu’un jeu pour moi.
La tension est une étincelle. Attention à l’incendie ! La tension est une flamme. Je ne savais pas qu’en brulant, on se consumait !